La mode, la planète, le confinement, l’avenir et moi

La semaine dernière, pour la première fois depuis le début du confinement, je n’ai pas publié mon article hebdomadaire.

Ce matin, je me suis réveillée avec le sentiment d’être dans une impasse. Et l’envie d’écrire pour en sortir.

Après les terribles attentats du 13 November 2015, j’avais publié ici un texte plus personnel. Sous le choc, je déclarais mon amour pour Paris… au fond terrifiée par l’idée que l’insouciance était enterrée.  Fluctuat next mergitur, la vie parisienne a repris son cours.

Cette fois, l’agresseur n’a pas de volonté. Catastrophe naturelle plutôt qu’ennemi, malgré la réthorique martiale employée par notre président il s’attaque à nos corps de chair comme à nos corps d’état. A commencer par l’hôpital public.

Vous vous en doutez je ne suis pas là pour vous redire ce qui tourne en boucle dans vos feeds d’actualité mais pour vous parler de mon ressenti.

Au début, comme nous tous, j’étais pétrifiée. Après deux jours passés en état de sidération, et parce que j’avais le luxe de pouvoir le faire (confinement tranquille, pas d’enfants), je me suis mise à penser à l’après.

Fédérer à nouveau la communauté de lectrices que j’avais un peu dissoute au fil de mes posts sporadiques en publiant à nouveau régulièrement. Tenter de dévelloper ma notoriété Instagram, un média d’image avec lequel je suis moins à l’aise, en trouvant mon mode d’expression: des stories inspiration à la manière des articles qui au début de mon blog ont fait son succès « comment porter telle ou telle couleur, telle ou telle forme ». Ca me donnait des objectifs simples à atteindre et ça me permettait de ne pas trop penser.

De toutes façons, impossible de me concentrer sur un livre ou un film manquant d’action.

Ni de m’arrêter de lire le flux d’infos. Parmi les nouvelles dramatiques, une lueur d’espoir. Et si la crise du coronavirus provoquait le changement de société dont nous avons tant besoin?

Au fur et à measure que, contraints, forcés et privés de liberté, nous ralentissions, l’air se faisait plus pur.

Une preuve que des mesures drastiques peuvent être prises quand elles sont nécéssaires. Qu’elles peuvent être respectées. Et qu’elle créent des effets.

Preuve aussi que nos sociétés reposent sur un petit socle de personnes indispensables et que la majorité des métiers de services ne sont qu’annexes.

Alors, comme beaucoup d’éditorialistes, je me suis prise à rêver de lendemains plus responsables.

Et là bam… « il faudra travailler plus » assène le patron du MEDEF… mais que croyais je? Que subitement nos gouvernements allaient prendre la mesure des choses, que nous allions tous collectivement ralentir?

Il nous faudrait pédaler pour rattraper le retard… mais rattraper quoi? Qu’avons nous perdu sinon des vies? Des points de croissance apparrement…

Et mes doux rêves de changement de société de s’envoler en fumée.

Je me suis retrouvée incapable d’agir. Fini les articles, instagram, la concentration, les projets, l’espoir. Au bout d’un mois les pleurs et une sidération nouvelle.

Comment penser l’après alors qu’on ne veut pas qu’il soit comme avant… mais qu’on est soit même un hamster dans la grande roue du capitalisme.

Voilà trois jours que je ne fais strictement rien sauf lire et écouter des penseurs de l’après. Pour chercher un modèle d’évolution en lequel je croirais.

Mais s’il faut me résoudre à ce que rien ne change, comment être alignée avec mes convictions tout en continuant à gagner ma croûte?

Tout d’abord, les choses vont changer, et pas pour le meilleur: nous serons collectivement plus pauvres (sauf Amazon et Leclerc), ce qui n’est une bonne nouvelle pour personne.

Mais le modèle lui va rester le même.

Et au sein de ce modèle que puis je proposer moi?

Je ne voyais rien.

Certes, je suis depuis des années engagée pour convertir mes lectrices et clientes vers une consommation plus raisonnable de vêtements par l’éducation à la belle matière, à la belle façon et au vintage. Au « moins mais mieux ». Au stylisme qui permet de démultiplier les tenues à partir de ce que l’on possède déjà.

Mais ce matin celà m’apparaissait comme dérisoire. Ne ferais je pas mieux de m’attaquer à des problématiques plus essentielles que la mode?

Et puis mon amie Lan Anh, à qui j’avais la veille évoqué mon désarroi, m’a envoyé une vidéo. On y voit un homme qui danse seul sur une colline peuplée de gens assis le regardant d’un air goguenard. Enfin, il est rejoint par un deuxième danseur qui a le courage de suivre ce mec bizarroïde qui danse tout seul. Puis par les amis de celui ci. Et, enfin, ceux qui riaient de lui au départ se joignent au groupe, désormais majoritaire, des danseurs. Une belle métaphore de cette phrase tant rebattue (« sois le changement que tu veux être dans le monde »). (Alors certes les substances illicites n’y sont certainement pas pour rien dans la fameuse vidéo mais on parle métaphore ok?).

Du coup je me suis dit que, même si mes actions peuvent me sembler dérisoires, elles sont le mérite d’exister. Et peut-être vont-elles inspirer ceux qui me lisent et ceux qui me fréquentent à consommer moins et mieux la mode? Et que ceux ci à leur tour vont convaincre autour d’eux.

En août sortira mon nouveau livre « why french women wear vintage and other secrets and sustainable style » pour aider celles qui en ont l’envie à changer leur consommation de mode… par le style.

Je n’ai pas encore trouvé de quoi mon demain sera fait.

Pour le moment, je vais rester dans le champ qui est le mien. La mode.

Et continuer à faire ce que je sais faire: donner des clés pour consommer moins et mieux tout en restant dans le plaisir de la mode.

Je vais chercher d’autres idées dans cette lignée.

En attendant je ne suis pas seule.

Partout des petites entreprises, des influenceuses, des organismes, cherchent à améliorer le système de production de la mode.

Continuons à essaimer et multiplions nous. On est encore loin du compte.

Comments
34 Responses to “La mode, la planète, le confinement, l’avenir et moi”
  1. Janice Riggs dit :

    Our work is important – we don’t save lives, maybe, but we are doing what we know how to do to help lots of women get control over their spending, and their self-image, and their wardrobes, and their share of environmental damage that comes from the fashion industry. It really matters – we contribute in our own way…

    big hugs,
    Janice

  2. Catherine dit :

    Yes! I feel like this too and it is so good to see so many others do. It is really good to keep this conversation going. I even plan to come back here again to read once more and contemplate the ideas some more. Thank you!

  3. You captured my thoughts so well! I am so afraid that it will be like the 40s, where buying will become a patriotic acts because we have to save our economy. I am looking forward to your book, incidentally just yesterday I discovered that you have already written one and I was like « why haven’t I read that yet. »

    • Aloïs Guinut dit :

      Exactly.
      Oh!Then give me a feedback after you have read it!

    • Kat dit :

      Perfectly said. I hope we never go back to the old way. I thrift most of my clothes (except things close to the body like undergarments obviously) because I love the feeling of treasure hunting. I continue to be amazed at my amazing treasure finds: Isabel Marant skirt, Persian lamb jacket, etc. I could never afford these things on my own, but thrifted, i can. I look forward to your book.

      I walk my dog daily so I get « dressed up » for that! I wear my lipstick so it can be seen from a distance before quickly putting on my mask. And occasionally my neighbor who is a horticulturist and I will do what we call « 6 feet apart not 6 feet under » walks and we will put on dresses as she calls out the Latin names of plants in the neighborhood. Not exactly dancing on a hilltop but our way of staying sane and even laughing at what we’re wearing. Thank you for writing. I appreciate your work

  4. Lise dit :

    It makes me happy to read that there are people (you and your readers) who feel like I do and also long for change. Hopefully one day decency will outweigh greed, but for now I am not sure it does and that makes me sad. I love your approach and what you do is important, as you are changing mind-sets. I have mostly shopped 2nd hand for the last five years and I now my wardrobe has many stunning, good quality pieces and I won’t need to shop for a long time. Please keep up your informative blog, one of my favourites.

  5. Cécile dit :

    Aloïs mille mercis pour cet article plein d’authenticité.
    Je suis moi-même en plein désarroi parfois et le fait de vous lire me donne du courage. Oui ce que vous écrivez est utile. Je vous avais déjà dit que votre style et vos articles incitaient à l’action, à la prise de recul, à s’amuser et à se renouveler avec ce que l’on a déjà. Pensez-vous que les besoins de l’être humain se limitent à manger boire respirer dormir se reproduire ? Aloïs nous avons besoin de nous sentir créatifs, nous avons besoin de beauté, d’art, d’humour et de relations. Après avoir lu vos articles, je vais souvent piocher dans ma garde-robe et y dénicher une idée puis une tenue dans laquelle je me sentirais non seulement jolie, mais fière d’avoir „fait avec ce qui est disponible“. Je diffuse vos bonnes idées autour de moi. Je me sens pleine d’optimisme.
    Vous n’enfermez jamais vos lecteurs dans des cadres, vous leur donnez les clés pour créer et s’amuser.
    Le confinement est une magnifique occasion pour le faire encore plus et vos articles nous y aident.
    Je vous souhaite un excellent dimanche et ai hâte de découvrir ce que vous avez sous le coude pour nous.
    Je vous embrasse,
    Cécile

  6. Simone dit :

    I hear you Alois. Your article touched me deeply. Like you, I wish the world could reflect on how this virus has caused us all to slow down and hopefully readjust our priorities. I agree that it is so sad that capitalism will most likely go into overdrive once the restrictions are lifted. I hope though that some things will change for the better.
    Please never doubt that what you do is important. You don’t need to have a degree in environmental science to educate us as wonderfully as you do on the damage fast fashion and overconsumption does to this beautiful planet. For example, you have inspired me, a middle-aged woman from far away Australia, to continue buying secondhand and simplify my style. I will continue to read your posts with great interest. We need your words out there. I understand your heartbreak and frustration. But people are listening. Your book was extremely helpful and no doubt future ones will be also. This IS important work you are doing. Best wishes.

  7. Eléonore dit :

    Chère Aloïs,
    Je ressens et comprends ton désarroi.
    Je me pose les mêmes questions.
    Je tire les même conclusions tant sur le fonctionnement politique et d’une partie de la population quant à notre utilité dans ce monde. Et rejoins les personnes ayant commenté ce post.
    J’aime penser à l’image du battement d’ailes de papillon. So. Continue ce en quoi tu crois et fais si bien. Tu fais ta part, tu plantes des graines et le Monde (que dis-je la Terre!) t’en est reconnaissant.

  8. Brigitte dit :

    Super votre article. Comme vous j’ai l’impression que les gens n’arrivent pas à se remettre en question sur leur façon de consommer .C’était pourtant l’occasion d’avoir le temps de réfléchir aux actions à faire pour changer le monde .Mais l’on entend parler uniquement de reprise économique !!!!
    Je suis contente d’apprendre la sortie prochaine de votre deuxième livre, mais pourquoi encore en anglais ??? J’ai tellement de difficultés à traduire le premier. Je traduis mot à mot et je pense que ma traduction n ‘est pas toujours bonne pour avoir le sens des phrases.
    Les françaises ont aussi besoin de vous lire !…
    Merci pour tout vos blogs

  9. Marty dit :

    Chère Aloïs,
    ton message montre un côté intéressant de la crise: de diverses manières, l’être véritable de ceux que nous croisons, virtuellement ou pas, se révèle. Nous sommes plus nombreux, nombreuses, à dire la vulnérabilité qui nous habite. Et à le faire dans les lieux qui normalement ne sont pas considérés comme appropriés pour cela. Les frontières sont plus poreuses entre les différentes sphères, personnelle, sociale, professionnelle, de nos vies. Je n’ai pas de réponses aux questions que tu poses, je me les pose aussi. Je suis persuadée cependant de l’importance de ton travail, qui réside moins dans l’activité elle-même que dans la conscience et la manière dont tu t’y engages. Ton être est là Aloïs, c’est ce que j’apprécie, ce qui donne tout son sens à la chose. C’est tout sauf futile.

  10. Violette.b dit :

    Bonjour ,
    En effet on réfléchit à l’après d’autant qu’on a une date.

    Oui le MEDEF veut des heures sup mais c’est le marché qui fait loi ….. alors si pas de besoins , si plus les mêmes besoins , si pénurie de composants , si interactions limitées …..ben même le MEDEF fera avec …. ah ah .

    La grande interrogation des consultants …..les consommateurs de » l’après » auront ils changé ? abîme totale ?

    Des hauts , des bas , comme pour 2015 on ne sera plus comme avant , même si les mauvais plis vont revenir vite mais moi je crois dans de nouveaux plis , ceux qu’on ne voyait pas encore , une accélération de certaines choses .

    On saura ce qui est essentiel pour l’avoir expérimenté .

    On va manquer de Culture , créations , pendant près d ‘un an …..on sera avides de cela , de mode , d’art , de beauté ,
    Votre livre tombera à pic , le French Way of Life est une valeur sure …..tellement sure , moi cela me réconforte.

    Hauts les cœurs

  11. Ruth dit :

    I love this post for its depth of reflection, honesty, and hope. Although you say that what you have to lend to society’s task ahead seems to you « such tiny things compared to the task that awaits us humans, » I would argue that everyone has a different role to play and measuring the value or size of one role against another is misguided. Everyone who is playing a role in moving us towards a more sustainable, healthier, saner, kinder, more equal future is essential to the task. We need all of us. One does not say of the coat that keeps us warm that the fabric is more important than the thread of the seams, or that the thread is more important than the button it holds on, or that the button is more important than the button hole, as all serve separate but important functions. Given what we know about the trash crisis and the role fast fashion has played in it; given what we know about how much waste (economic as well as material) is replete in the fashion industry; given what we know about the role of personal presentation as formative as well as reflective of personal psychology and self image, your work strikes me as not only important but that it will be even more important in the days ahead. Speaking personally, you have helped me a great deal with how perceptive and analytical you are. And as someone who owns at least two dozen books intended to advise individuals about fashion and style, I can say that your book Dress Like a Parisian is without doubt the most thorough, perceptive, and helpful. So I’m excited to hear that you have a new book coming out. Congratulations and thank you for all you do!

  12. eveange66 dit :

    Nous avons tous les ressources pour recommencer, pour commencer, pour finir, pour créer.
    Rien n’est perdu mais il est vrai que la facilité n’est pas pour demain.
    Mais justement, quel challenge !!
    Je crois aussi que, surtout en France et n’en déplaise aux Gilets Jaunes, nous n’avons pas assez apprécié ni profité des avantages qui étaient les nôtres ces derniers années (même si, ô combien, les inégalités et les problèmes existaient).
    Avec le chômage en baisse (et oui, fini ce « bon temps » que personne ne voulait voir), les créations de petites entreprises se multipliant, les commandes sur Amazon à gogo, les deux boites à roues par famille….
    Je suis ravie que vous soyez toujours présente dans le monde du blog. Je reste persuadée que, hélas, les personnes qui font appel à vous resteront, en majorité, celles qui s’en sortent le mieux, encore. Profitez en.
    Les cartes seront peut être rebattues … un temps, et c’est à nous de voir où le « jeu » nous mène et quelles sont les priorités, nos priorités.
    Nous sommes tous des chrysalides en devenir.

    • Aloïs Guinut dit :

      C’est joli cette métaphore de chrysalides.
      Vous avez raison, ce sont des personnes aisées qui font appel à moi… mais mes lectrices sont, je le pense plus hétéroclites.
      Et je ne suis pas la seule à professer de porter plus de vintage, de consommer moins de se tourner vers l’éco responsable et le recyclage! Il y a aussi beaucoup de petites et « grosses » influenceuses instagram qui s’adressent à un public jeune.

  13. Nancy dit :

    Alois, do not think your job is futile! You have been such an inspiration to me! I while back, I was seeking a promotion and suffered a setback. At the same time, I noticed that clothing that used to look good on me no longer did. While examining my situation, I realized that dressing stylishly can give one a huge boost in confidence. I learned so much from your blog and book, such as the need for more basic pieces; and I subsequently got that promotion!

    I am now very much into fashion, not only as a creative outlet, but as a stress reliever too. As an environmental scientist, I totally agree that we own too much, and must be more sustainable. I love second hand and vintage finds, as I find the quality lacking in fast fashion. As a mother who raised two girls, I found that sewing and repurposing was not only fun, but necessary! I hope that other young women have that opportunity.

    Keep up the good work, there are a lot of us out there that really appreciate you!

    • Aloïs Guinut dit :

      Merci beaucoup Nancy for the testimony. I am always happy to know I have been able to change things at a distance.
      And it is incredible to now you are an environmental scientist. We need people like you <3

  14. Alois,

    I feel your heart breaking through your words, and your sincerity and passion for saving the world. It is true we cannot individually alter the course of the world radically, yet I think what you do is powerful and necessary. Life without color, beauty, culture, and fashion is joyless and bland. I have pre-ordered your book, and look forward to it very much.

    When I was in training to be a psychologist, I met with a child whose world was full of dreadful, damaging people, and I thought that what I did for him was nothing. In tears, I asked my supervisor: what is the point? She told me something very important: Did I make a difference to that one child, for that one hour? Was I kind? Was I a safe adult? Did I make him feel cared for? And the answer was of course I did – I mattered to one child, for one hour, and maybe it wasn’t enough, but it was something.

    You are doing what you do best, and you make a difference.

  15. Lisa Proctor dit :

    Beautiful and thought-provoking piece! If we all do something, things can change.

  16. Juhi dit :

    You have so beautifully captured the feelings that keep many thinking people up at night. Many of us do not really believe in the society we are stuck in but feel largely powerless to change things.

    Before the pandemic, I read an opinion piece in the New York Times that actually outlined actions we could take as individuals to help. These were actions meant to effect systemic change, not just the usual individual tips to recycle. As I am not able to paste the link here I will email it to you as it did give me some comfort and is inspiring me to take some of these actions when I can.

    I am looking forward to your new book 🙂 and to all your future writing. I think it brings a lot of joy.

    • Aloïs Guinut dit :

      Merci Juhi, I have just read it this is a great piece.
      Freaks me a bit out the part that we have to make governments ploy because well… they seem to be going in the wrong direction and that’s a big one.

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(English) A signed copy of my new book