Faut il encore faire les soldes?

Les soldes ne sont plus en odeur de sainteté.

Depuis le dernier « black friday », absurdité consummériste importée d’outre-Atlantique, les voix s’élèvent pour dénoncer un système de promotion dévoyant la qualité intrinsèque des produits pour privilégier la vente à tout prix (c’est le cas de dire).

Il est de bon ton d’afficher sur les réseaux sociaux (hebergés par des serveurs hautement polluants sur des téléphones qui le sont tout autant, mais je ne vous jette pas la pierre, on est pas à une contradiction près et je suis aussi aussi accro que beaucoup d’entre nous), qu’on achète rien ce jour, qu’on fait le « green friday ». Et les marques eco-conscious de se joindre à la vertueuse rebellion en boycottant.

Certes, mes ami-e-s, cet énième appel à la consommation,  semble anachronique au vu de l’urgence environnementale générée par l’appétit apparemment sans fond des consommateurs des pays industrialisés (appétit mis en bouche par le système capitaliste, ça vient en mangeant). Néanmoins, faire la grève de la solde est il plus pertinent que de consommer moins et mieux toute l’année?

Ça dépend de si on est une marque ou un consommateur.

I/ Solder ses produits est il une démarche anti-environnementale pour les marques?

A/ Il est quasi impossible de vendre l’intégralité d’une production

Pour ce faire, il faudrait produire notablement moins que la demande,

Et même dans cette situation, il n’est pas garanti que chaque vêtement produit par la marque rencontre du succès auprès des consommateurs.

Les soldes sont nées du besoin de se débarrasser des invendus.

Or, il est quasi impossible pour une marque de ne pas créer d’invendus.

Il faudrait que chaque modèle soit un succès commercial ce qui ne laisse aucune place à l’erreur.

Ou alors de ne travailler que sur commande, mais dans ce cas, l’échec pourrait se situer au niveau du récipiendaire qui est susceptible de ne pas aimer le vêtement commandé une fois qu’il l’a entre les mains.

Des marques comme Sézane revendiquent de ne pas faire de soldes… mais vendent leurs archives des années passées. Une question de terminologie, mais aussi  de temporalité étant donné que les produits « soldés » ne sont pas ceux de la collection en cours mais des précédentes. Disons que ça ralentit un peu les choses.

Sur le site de Loom, dont la est devise « moins mais mieux », on parle « d’ancienne génération ».

Je souscris à la philosophie selon laquelle chaque marque doit tendre à ne pas produire d’invendus pour générer le moins de soldes possibles. Mais ne créer aucun surplus est mission impossible comme le montrent les exemples ci dessus.

B/ Créer un business-model sans soldes oblige les marques à améliorer leurs produits

De plus en plus de jeunes marques éco responsables revendiquent de ne jamais solder leurs produits, mais nous venons de le voir, génèrent quand même des invendus qui seront commercialisés l’année suivante à prix réduits… ce qui est normal.

Mieux que les marques de luxe qui brûlaient leurs stocks invendus pour ne pas entacher leur image (sur ce point c’est bien raté du coup), là pas de soldes, pas d’invendus, mais un bilan carbone desastreux. Heureusement ces pratiques ont depuis été interdites par la loi française.

Ce tragique exemple mis à part, le fait de ne pas penser les soldes comme une option, a un impact vertueux sur la façon de penser le vêtement.

Cela implique de créer des designs de qualité, au juste prix et qui plaisent.

« Facile » quand il s’agit de basiques, moins quand il s’agit de pièces originales.

La pièce mode ne peut pas faire l’unanimité.

Si on veut être le plus durable possible, la meilleure option serait de ne créer que des vêtements « simples et atemporels », mais sommes nous prêts à ça?

Pour continuer à produire de la mode, le plus important est de coller au plus près de la demande, de réduire l’impact environnemental de la production et de penser à la fin de vie des vêtements crées.

C/ Les soldes doivent être un moyen de faire le vide, pas un appât marketing

Tout est dans le titre!

Certaines marques soldent des produits qui se vendent déjà bien ou même relancent des productions dans le but d’attirer le consommateur à l’occasion d’opérations promotionnelles.

Des pratiques clairement nocives pour l’environnement.

II/ Faire les soldes est il un comportement anti-écologique pour le consommateur?

A/ Que l’on achète un produit à prix normal ou à prix réduit ne change pas l’impact de l’achat

Dans un monde où les démarques sont inévitables, il n’y a pas de mal à acheter des produits soldés.

Cela vous coûtera simplement moins cher quand le coût pour la planète restera inchangé.

On peut par contre choisir de ne pas acheter de vêtements soldés à des marques notoirement polluantes.

Par leur caractère éphémère, les soldes sont aussi l’occasion de procéder à des achats plus réfléchis.

Au lieu de céder à des pulsions d’achats peu chers impulsifs tout au long de l’année, on peut choisir de repérer des vêtements de grande qualité à des prix normalement inaccessibles et d’attendre embusqués que leur prix baisse.

L’avantage de ces wishlists soldes est qu’elles permettent de faire le tri parmi nos multiples envies. Sur les trois pulls repérés, seul un sera acheté.

B/ Les produits soldés partiront  » à la casse » si ils ne sont pas achetés

Comme toute production génère des soldes, on peut choisir de sauver ses produits de la destruction ou autre en les achetant. Un peu comme on achèterait le yaourt qui va se périmer le lendemain pour lui éviter la poubelle. Yaourt qui peut-être délicieux. Je sais c’est pas glam’ comme comparaison.

Ce n’est pas parce que des vêtements n’ont pas été vendus qu’ils sont « moches ». Bon, parfois c’est le cas…D’autres fois, c’est juste que personne n’a pris conscience de leur potentiel (mais vous qui lisez ce blog connaissez le potentiel caché des fringues). Ou qu’ils étaient des pantoufles de vair attendant leur Cendrillon. Ou que leur prix était trop élevé.

C/ Choisir de ne pas acheter de produits soldés va obliger les marques à améliorer leurs vêtements

Je sais, ça contredit un peu ce que je viens de dire.

Personnellement, ce n’est pas ainsi que je procède, mais je comprends la logique des abstinents de la solde pour des motifs environnementaux.

La désaffection constatée pour les promotions, va forcer les marques à produire de meilleurs produits à des prix plus justes au lieu de surmarger tous les vêtements afin qu’une moitié soit vendue plein pot et l’autre à prix réduits.

D/ L’important reste de n’acheter en solde que des vêtements que l’on va porter

Les soldes ne sont pas une raison d’acheter plus qu’en temps normal mais seulement une occasion de faire des économies.

Voilà! Si vous voulez que je vous aide à trouver vos pantoufles de vair en temps de soldes, c’est par ici.

Et vous? Vous faites encore les soldes? 

Collage de couverture: mon bonnet rouge, mon pantalon Darel soldé et moi, considérant pensivement un pantalon Marant

Comments
13 Responses to “Faut il encore faire les soldes?”
  1. Ruth dit :

    I love the way you turn the issue over and look at it from different angles, giving a well-thought-through response. I’m particularly drawn to the last point–not buying at item just BECAUSE it’s on sale, which can lead to having wonky duds in the back of your closet that never get worn (she says, speaking from experience). I think the relationship between cost and decision should be reversed–decide if the item is something you want to buy before glancing at the price. The price might mean you decide not to get it, but at least you’ve decided you really want it already.

    I love that you’re back, Alois!

  2. Anne dit :

    SO happy you are back as I always enjoy reading your posts. Is that you in the photo above on the right?

  3. Anne dit :

    SO happy you are back as I always enjoy reading your posts. Is that you in the photo above on the right? I would love to see posts featuring short haircuts, or about how more mature women who happen to have short hair can style their clothes.

    • Aloïs Guinut dit :

      The key to short hair, whether old or young is earrings!
      Small, big…
      If they are big and your lobe is stretched use a earring shape that covers it!

  4. MABdePARIS dit :

    Mrci pour ce décrytage remarquable du fonctionnement des soldes côté milieu de la mode/des affaires et côté consommateur.

    Justement, c’est du côté des consommateurs que viendra le changement. Si nous refusons collectivement d’accepter le bâclé, le pas cher (mais qui, de toute façon, ne vaut rien), je suis persuadée que les lignes vont changer.

    A NOUS DE JOUER….

  5. Living in the US, sales are definitely a constant temptation, although we see increases leading up to the holidays, and in January particularly, when things hit rock bottom prices before stores have to pay an inventory tax. I like the perspective that the best items should never go on sale, because they are so perfect. I was also horrified to discover that some of the high-end brands destroy unsold merchandise. We all need to be more environmentally conscious about the high environmental cost of fashion – which is another reason why style is so much better than fashion. And I would love to see some of your picks – what do you think is worthy of purchase during the sales?

  6. Lana dit :

    I shop sales in the stores and on-line. You just need to be very selective – favorite colors, shapes, pieces. Only things that make you feel great, fill your wardrobe’ holes and in your budget. Living in US means seeing sales almost year around – so discipline is required.

  7. Nadège dit :

    Très bon article qui a le mérite d’analyser les soldes dans son contexte entier (business, impact écologique).

    Je fais les soldes pour m’acheter de bons basiques de qualité repérés depuis un certain temps mais trop chers.
    Sinon, je préfère acheter d’occasion sur vinted ou en dépôt vente.
    Je pense que globalement les marques produisent beaucoup trop de vêtements.
    Avant l’arrivée de la fast fashion, nous étions habitués à deux collections par an ce qui nous laissait le temps d’essayer, de réfléchir et d’attendre.
    Or, Sézane lance de nouvelles pièces tous les mois ce qui relance la machine de l’immédiateté.
    On veut tout et tout de suite.
    Le désir est à présent court termiste. Ce n’est désirable que parce que c’est nouveau.
    Cette course est sans fin et joue sur notre frustation de laisser la belle pièce mise en valeur sur les réseaux sociaux.

    Il est de la responsabilité du consommateur de dire stop, je n’ai pas besoin de pièces que je ne porte pas et je n’ai pas besoin de renouveler ma garde robe tous les mois.
    Mais les marques doivent cesser d’utiliser les réseaux sociaux et autre médium de communication pour nous appater sans cesse.

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